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PrésentationDe la photographie aérienne à la télédétection spatiale par satellite, les méthodes dacquisition dimages de la Terre sont nombreuses. La photographie aérienne classique permet d'obtenir des images de très grande précision (largement inférieure au mètre), mais la prise de vue reste une opération lourde et souvent hors des moyens budgétaires de programmes de recherche. Jusque 1999, la télédétection spatiale civile ne permettait pas d'obtenir des images d'une résolution inférieure à 2 mètres, alors que nos objectifs exigeaient une précision inférieure au mètre. Nous avons donc développé une méthode dacquisition de données aériennes, visant à répondre à ces contraintes : une résolution de l'ordre du mètre, de faibles coûts, une grande facilité de mise en uvre quelle que soit l'infrastructure existante. Le développement de cette méthode dacquisition sinscrit également dans le cadre de linnovation méthodologique sur les systèmes dinformation géographique (SIG) : elle saccompagne du développement des méthodes et des logiciels pour le redressement, le mosaïquage, la gestion intégrée des données de type image dans un SIG. Nous présentons dans cet article toutes les étapes de la méthode, de lacquisition des images à leur intégration dans un système dinformation géographique. Les résultats de cette démarche sont illustrés ici par une application sur les camps de réfugiés dans le Nord et lEst du Kenya. Les populations réfugiées, principalement originaires de la Somalie et du Soudan sont rassemblés dans quatre immenses camps implantés en 1991 à proximité des frontières de ces deux pays ; leur nombre dépasse encore les 200.000 personnes. La pérennisation de ces camps et les dégradations de lenvironnement que cet afflux de réfugiés avait pu engendrer ont été à lorigine dune collaboration entre le Haut Commissariat aux Réfugiés et lInstitut de Recherche pour le Développement (IRD). Outre lévaluation précise de la dégradation du couvert végétal, ce programme avait essentiellement pour but de généraliser lemploi de la cartographie, celle-ci étant conçue comme un instrument de gestion du territoire, des populations et de leurs activités. Eu égard au contexte local et à différentes contraintes matérielles, les objectifs de ce programme (1997-1999) nauraient pu être atteints sans la méthode décrite ici. I - La télédétection aérienne légère La télédétection aérienne légère concerne toutes les techniques visant à obtenir des images aériennes de la Terre par des moyens légers et faciles à mettre en uvre. Elle complète la photographie aérienne classique et la télédétection spatiale, et est bien adaptée aux objectifs de la recherche scientifique. La télédétection aérienne légère répond à de nombreux besoins techniques : cartographie de base, cartographie doccupation du sol à grande échelle, états de surfaces, cartographie thématique, échantillonnage, actualisation, etc. De nombreux domaines dapplication sont concernés par ces techniques : on peut citer lhydrologie (irrigation et gestion des ressources en eau), lenvironnement et la gestion des ressources naturelles, le développement rural, le développement urbain Comme toutes les techniques dacquisition dimages aériennes, la télédétection aérienne légère associe un appareil de prise de vue à un moyen de transport de cet appareil. Parmi ces moyens, on peut citer : les avions légers monomoteur, les hélicoptères, les ULM, les drones (avions sans pilotes), les ballons captifs, les dirigeables et montgolfières. Les appareils de prises de vue forment deux groupes : dune part les appareils optiques classiques, dautre part les appareils numériques. La méthode présentée dans cet article utilise une caméra vidéo numérique embarquée dans un avion léger non dédié à la prise de vue aérienne. Les moyens dacquisition dimages de télédétection dans le spectre visible et la vidéographie aérienneEn 1999, les moyens civils dacquisition dimages de la Terre en télédétection dans le spectre visible sont nombreux et performants. Par ordre de résolution, ce sont :
La vidéographie aérienne permet dobtenir des résolutions variant entre 3 et 0.2 mètres. Les satellites à basse et moyenne résolution nentrent pas dans ce champ dapplication. Les images des satellites civils à haute résolution ont une résolution qui peut aujourdhui atteindre un mètre, mais les images les plus courantes sont celles du satellite SPOT (10 mètres en panchromatique, 20 mètres en multispectral). A linstar du satellite IKONOS, qui permet d'obtenir d'excellentes images avec une résolution d'un mètre, des satellites à haute résolution (entre 5 et 1 mètres) devraient être lancés dans les années qui viennent (2001-2005), et pourraient donc rendre obsolète la technique dacquisition par vidéographie numérique. A moins que la souplesse de la méthode, la vitesse dobtention du résultat et laugmentation de résolution des capteurs vidéo ne continuent à la rendre compétitive (figure 1). De tous les moyens dacquisition, la photographie aérienne classique reste toujours la plus performante en terme de résolution : une photographie aérienne classique scannée permet davoir une résolution largement inférieure au mètre. A linverse, son coût est important et la mise en uvre dune campagne de photographie aérienne demande des moyens assez lourds. La vidéographie aérienne permet donc dassurer la continuité des résolutions entre les images des satellites de haute résolution et les photographies aériennes classiques. Après préparation dun plan de vol précis, le survol par un avion léger muni dun caméscope numérique dirigé vers le sol de façon approximativement orthogonale permet de disposer dun film vidéo couvrant la superficie désirée, par traces parallèles avec un certain recouvrement entre traces. A partir du film vidéo, on peut extraire directement des images numériques fixes sur un ordinateur. Lutilisateur a le choix des images à capturer ; il doit seulement sassurer du recouvrement des images et de la meilleure horizontalité possible de limage (celle-ci étant liée à lassiette de lavion). Les images brutes ainsi saisies doivent ensuite être redressées et mises en conformité avec la réalité géographique. Il est nécessaire pour cela de trouver des points de référence géographique de façon à localiser, recaler et redresser les images, et éliminer ainsi les déformations dues à la prise de vue (déformations optiques, variations de lassiette et de laltitude de lavion). On associe position dun point dans limage capturée et position géographique réelle pour créer des points dappui. La position géographique réelle peut être obtenue directement par GPS sur le terrain, sur une photographie déjà redressée et positionnée, sur une carte, etc. Enfin, grâce aux points dappui, les images capturées sont redressées (cest-à-dire mises en conformité géographique), recalées (cest-à-dire positionnées dans lespace), puis mosaïquées (cest-à-dire intégrées dans un ensemble dimages) pour constituer un orthophotoplan géoréférencé, directement géré par un système d'information géographique. La vidéographie aérienne : description de la méthode La vidéographie aérienne, comme la photographie aérienne géoréférencée, fait appel à de nombreuses techniques : la géodésie et la cartographie, la navigation aérienne précise, la vidéographie numérique, le positionnement par GPS différentiel, le redressement et le ré-échantillonnage dimage, le mosaïquage et les systèmes dinformation géographique. La navigation aérienne et la prise de vueLe territoire à couvrir doit être défini avec précision puisque lobjectif consiste à établir un plan de vol indiquant la longueur et le nombre de traces à parcourir par lavion et son pilote. Les cartes de base existantes peuvent servir à cette définition mais lorsque le territoire à couvrir nest pas cartographié, une description géographique est nécessaire : points GPS, éléments singuliers, etc. Une image satellite, même à moyenne résolution, est très utile dans la phase de préparation du plan de vol. Pour assurer un bon recouvrement de la surface à cartographier, il est nécessaire dindiquer au pilote de lavion lensemble des paramètres lui permettant dassurer une navigation précise. Un plan de vol peut être établi en utilisant les coordonnées géographiques des points dentrée et de sortie des traces (la navigation se fait alors grâce au GPS de bord suivant une orthodromie, ligne de plus courte distance curviligne entre deux points de même altitude), ou en indiquant un point dentrée et un cap (la navigation se fait alors au compas et suit une loxodromie, à condition de tenir compte de la dérive de lavion). La vidéographie permet plus de souplesse que la photographie aérienne, mais une bonne navigation aérienne reste un point clé pour la réussite de l'opération (figure 2). En effet, lusage dune caméra vidéo assure certes la continuité de la prise de vue sur chaque trace, mais ne permet pas déviter des " trous " dans la surface à couvrir (et donc, dans la mosaïque) si la distance entre chaque trace nest pas respectée. Pour la prise de vue, un avion léger est nécessaire. Plusieurs exigences sont à respecter :
Mais la simplicité guide la démarche : il faut pouvoir sadapter aux conditions et aux disponibilités locales en ce qui concerne le vol aérien. En embarquant un GPS dans lavion, on peut enregistrer la position (en 3D) de lavion pendant lensemble du vol, de manière à comparer le vol effectué avec le plan de vol transmis au pilote. Pour obtenir une précision suffisante, on doit utiliser des techniques de GPS différentiel mobile, ou avoir accès par radio aux données GPS dune station fixe et répertoriée. Le format numérique miniDVUn film vidéo est constitué dimages cadencées (trames), à raison de 50 (PAL, SECAM) ou 60 (NTSC) images par seconde, le signal vidéo correspondant à chaque image étant codé sous forme numérique. Contrairement au codage analogique, le codage numérique conserve intacte la qualité du signal vidéo. La qualité de chaque image récupérée est également conservée. Chaque trame correspond au balayage dune ligne sur deux dun écran, ce qui permet davoir une image complète tout les 1/25-ième (PAL, SECAM) ou 1/30-ième (NTSC) de seconde et dassurer un meilleur rendu du mouvement. Le format vidéo numérique miniDV, que nous avons utilisé, comprend 720*576 pixels pour chaque trame. Lacquisition dimage fixeOn peut capturer une image à partir de deux trames consécutives du film vidéo, afin dobtenir une image fixe. Grâce au codage numérique du signal et à la résolution du format DV, les images fixes sont de très bonne qualité. Si la vitesse de déplacement du sujet par rapport au caméscope est importante, deux trames consécutives (distantes de 1/50-ième ou 1/60-ième de seconde) présentent des différences importantes et limage fixe est constituée à partir dune seule des deux trames grâce à une légère interpolation entre les lignes. On capture ainsi l'ensemble des images nécessaires à la constitution de la mosaïque. Le redressement et le ré-échantillonnage des imagesLes images capturées à partir du film vidéo ne correspondent pas à la réalité géographique. Elles comportent des déformations globales, locales, elles ne sont pas positionnées dans lespace, les échelles locales ne sont pas exactes, elles ne correspondent pas à la projection géographique choisie (UTM, Mercator, Lambert, ). Plusieurs types de déformation interviennent :
Ces images doivent donc être redressées pour être mises en conformité avec la géométrie de la surface réelle. Il faut également les positionner en les localisant sur la surface du globe. En établissant la correspondance entre des points de limage et des points localisés géographiquement (servant de points d'appui), on peut calculer les modifications à apporter à limage pour la faire coïncider avec la réalité géographique suivant une projection géographique donnée. On appelle redressement ou recalage cette opération de mise en conformité géographique (figure 4). Le ré-échantillonnage permet de modifier la résolution dans limage recalée, en choisissant les pixels à prendre en compte dans limage de départ pour calculer la valeur dun pixel recalé dans limage darrivée. Chaque image saisie à partir du film vidéo doit être redressée : ce travail peut être fastidieux lorsque le nombre d'images est important (figure 5). Si l'on ne dispose pas de photographies aériennes ou de cartes existantes suffisamment précises permettant de créer ces couples de points, il faut aller sur le terrain pour relever la position d'objets clairement identifiables à la fois sur les images et sur le terrain. Le nombre de points à relever dépend de la déformation estimée des images, mais plus on disposera de points d'appui, meilleur sera le redressement des images. Grâce aux satellites du système GPS, il est maintenant possible de relever la position de points sur la surface du globe terrestre avec une grande précision. Les déformations les plus importantes sont dues au relief et au positionnement de la caméra par rapport à la verticale. Les coefficients de la déformation projective due au positionnement de la caméra peuvent être obtenus en connaissant léquation du plan de la caméra. Comme la position de la caméra nest pas connue à linstant de la prise de limage, léquation du plan par rapport au plan de projection peut être calculée grâce à quatre points dappui. La déformation projective rattrape également les différences entre laltitude réelle de la caméra et laltitude théorique du plan de vol. Les déformations dues au relief doivent également être prise en compte. En effet, la déformation précédente ne tient pas compte de laltitude des points dans limage : les points sont projetés dans le plan comme sils étaient tous à laltitude zéro, alors que la projection doit suivre une verticale, et non pas un rayon lumineux, à partir de laltitude supposée du point. Pour prendre en compte cette déformation, il faut connaître le relief en tout point et donc disposer dun modèle numérique de terrain. Enfin, limage prise par la caméra correspond à la surface curviligne du terrain, alors que le résultat doit être donné dans un plan en utilisant une projection géographique, à partir de positions exprimées sur lellipsoïde de référence. Cette déformation mathématique est connue, cest la projection géographique. Le redressement de limage va donc tenter de supprimer toutes ces déformations pour aboutir à une image géoréférencée dans un plan de projection, et correspondant au mieux à la réalité géographique. Lorsque laltitude nest pas connue, nous utilisons pour simplifier une déformation polynomiale de degré un, globale ou locale (par triangulation), pour simuler la déformation projective. L'utilisation du GPS différentielLe système GPS est un système de positionnement mondial par satellite permettant de calculer la position de nimporte quel point sur la Terre, dans les trois dimensions. De façon instantanée, le système GPS permet davoir une précision de lordre de 20 mètres, les mesures étant brouillées par plusieurs facteurs : erreur sur lhorloge et les paramètres orbitaux des satellites, erreurs de propagation du signal dues aux conditions météorologiques et à la position des satellites, erreur due à lhorloge du récepteur, erreurs de réception dues aux réflexions du signal et, jusquà une date récente, erreur liée à la dégradation volontaire du signal. Pour localiser avec une précision correspondant à la résolution des images, il est nécessaire deffectuer des mesures avec une précision relative entre tous les points inférieure au mètre. Cette précision peut être obtenue par la méthode du GPS différentiel. Il s'agit d'un positionnement relatif par rapport à une station de référence placée à proximité d'un point connu. On doit donc disposer de deux récepteurs qui effectuent des mesures simultanées, l'un sur le point à déterminer (figure 6), l'autre sur la station de référence. Le principe du différentiel consiste à retirer les erreurs systématiques corrélées entre la station de référence et la station mobile. Le mosaïquage et l'introduction dans un SIGUne fois redressée, une image peut être intégrée dans un ensemble de manière à constituer un orthophotoplan. Cette opération est appelée mosaïquage. La mosaïque ainsi constituée est géoréférencée, et est gérée et utilisée dans un système dinformation géographique. Les nombreuses images provenant de la vidéographie disparaissent pour laisser place à un seul ensemble directement géré par le système dinformation. Le SIG SAVANE a été utilisé pour toutes les opérations de redressement et de mosaïquage. Ce système permet de gérer dautres types de données géographiques (zones, lignes, points) et de comparer entre elles ces données de types différents. Une fois intégrée dans la base de données, une mosaïque peut servir de référence pour saisir dautres objets : on peut numériser directement ces objets sur un écran dordinateur en utilisant la mosaïque comme fond cartographique de référence (figure 7). II Une application dans les camps de réfugiés au Kenya Le contexte local était assez peu favorable à la réalisation dun programme dinventaire et de cartographie classique. En premier lieu, comme souvent dans les pays du Sud, les régions les plus marginales des Etats sont rarement couvertes par une cartographie à grande échelle. Au Kenya, nous néchappions évidemment pas à cette limitation puisque les camps se situent dans les régions les plus marginales, à lest et au nord-ouest, à proximité immédiate des pays dorigine des réfugiés (Somalie et Soudan). Par ailleurs, lutilisation des images satellite ne pouvait pas totalement répondre aux questions qui nous étaient posées. La résolution de ces images (10 m pour le SPOT panchromatique) et la situation de ces camps en zone aride interdisaient denvisager une cartographie précise des camps et du couvert végétal. Enfin, le contexte dinsécurité qui prévaut dans les régions daccueil des réfugiés et notamment dans les trois camps de réfugiés somaliens de Dadaab exigeait de limiter au maximum le nombre de relevés et dobservations de terrain ; on sait pourtant combien ceux-ci sont nécessaires pour une bonne interprétation des images. Lacquisition dimages aériennes de haute résolution simposait donc comme le seul moyen envisageable pour répondre aux attentes de ce programme (figure 8). Mais, eu égard aux incertitudes des conditions de sécurité auxquelles il faut rajouter labsence de toute prévision météorologique précise -, létroitesse des " fenêtres de vol " rendait peu envisageable de recourir aux services d'une société spécialisée dans lacquisition de photographies aériennes. A lévidence, ces différentes contraintes imposaient denvisager une méthode dacquisition dimages aussi souple et autonome que possible. En utilisant le matériel et la méthode décrite plus haut, cette nécessité dautonomie nous a incité à profiter de lavion du HCR qui assure deux à trois fois par semaine la liaison entre Nairobi, la capitale, et les camps de réfugiés. Cest donc pendant le temps descale, en milieu de journée, que cet avion et ses deux pilotes ont été mobilisés pour réaliser ces couvertures aériennes. Chaque mosaïque correspond au recalage et au redressement de nombreuses images fixes. Selon la taille des camps, il a fallu travailler sur 60 à 100 images. Après capture des images et mosaïquage, les orthophotoplans ainsi obtenus ont apporté des réponses à la plupart des questions qui nous étaient posées par le Haut Commissariat aux Réfugiés. Nous en détaillons les principaux résultats dans les lignes qui suivent. Cartographie des camps de réfugiés Lintégration des mosaïques aériennes dans un Système dInformation Géographique a dabord constitué une étape décisive pour la réalisation dune carte précise des camps. Une fois numérisée (directement sur la mosaïque affichée à lécran) cette carte apporte en effet une information essentielle sur lévolution du plan doccupation de lespace depuis leur création (figure 9). En effet, au fil du temps - même lorsque les logisticiens des organisations humanitaires semploient à organiser cet espace en fonction de règles strictes en matière daccès, de densité de population et de prévention des incendies les divers événements qui marquent la vie dun camp conduisent les réfugiés à prendre des initiatives qui peuvent en modifier considérablement sa physionomie. Au bout de quelques années, la succession de départs et de nouveaux arrivants, les attaques armées ou les inondations aboutissent au fait que les gestionnaires des camps nont plus quune vague idée des lespace et des populations quils ont à administrer. Cette cartographie est pourtant indispensable. Elle sert de base aux recensements de population, et offre un outil sans égal de décision pour linstallation des nouveaux arrivants et limplantation des infrastructures (eau, postes de santé, centres de distribution, écoles, etc). Dénombrement des huttes et estimation des populations Avec une résolution de lordre du mètre, ces mosaïques aériennes ont également permis dexplorer les éventuels débouchés en matière de dénombrement des populations par simple comptage du nombre de huttes (figure10). Dans les situations durgence, on sait en effet que lestimation rapide et aussi précise que possible du nombre de réfugiés est un impératif absolu pour une assistance humanitaire adaptée. Les études réalisées ici, dans ces camps stabilisés depuis plusieurs années (et donc sortis de la phase durgence), donnent de ce point de vue des résultats mitigés. Car, sil est possible de dénombrer avec une bonne précision le nombre de huttes, limage aérienne ne peut évidemment pas dire la fonction de ces abris et si toutes les huttes sont effectivement habitées. Après vérification sur le terrain, plusieurs problèmes sont apparus : certains abris répondent à différents besoins domestiques (cuisines, latrines, ombrage, enclos pour petit bétail, etc) et la taille moyenne des familles vivant sous une même hutte peut varier dans des proportions importantes selon les différents quartiers du camp. Au total, il faut en conclure que si limage aérienne donne une bonne approximation des densités de population à lintérieur du camp et permet destimer globalement le nombre total dhabitants, cette démarche bien quutile ne peut dispenser dun recensement en bonne et due forme pour une connaissance approfondie des populations. La mise à disposition dune cartographie des camps, intégrée dans un système dinformation géographique, ouvre naturellement de nombreuses possibilités en matière de cartographie thématique. Les recensements de population (intégrés dans le SIG) peuvent ainsi faire lobjet dune représentation graphique particulièrement utile pour les diverses organisations humanitaires. Une carte visualisant le nombre denfants de moins de cinq ans autorise une campagne de vaccination plus rapide et mieux ciblée (figure 11) ; une carte des densités de population permet au logisticien dadapter son réseau de distribution deau et de planifier le nombre de latrines à mettre en place (figure 12) ; une carte de la répartition de la population en fonction des appartenances ethniques peut aider à concevoir une cohabitation plus harmonieuse, etc. Dans le même esprit, les mosaïques aériennes des camps de réfugiés et de leur environnement proche ont fourni une information essentielle sur létendue réelle de la dégradation du couvert végétal, mais aussi sur limpact des actions de protection et de reboisement (ombrage dans le camp, ceintures vertes, etc). Avec cette très bonne résolution, elles se sont également avérées être des instruments incomparables pour linterprétation dimages satellite de moindre résolution mais couvrant des espaces plus vastes. Dès lors que la résolution de limage permet, sans risque derreur, lidentification des objets au sol et ce, aussi bien par leur forme que par leur couleur (arbre, buissons, clôtures, sols nus, sentiers, dépression inondable, etc), lusage combiné de photographies aériennes et dimages satellites de résolution différente (1 mètre, 10 mètres et 20 mètres par exemple) apparaît comme la meilleure méthode de diagnostic environnemental dans les régions où laccès au terrain est fortement limité (figure 13). PerspectivesDans le contexte particulièrement sensible des populations réfugiés, la cartographie des régions concernées savère essentielle. Elle est dabord un complément indispensable pour les organisations humanitaires afin que celles-ci conduisent une assistance adaptée à la réalité géographique et sociologique du terrain. Mais elle sest également montrée déterminante pour ce qui concerne les relations entre le HCR et le gouvernement du pays daccueil des réfugiés. Celui-ci, pour des raisons diplomatiques, politiques ou sécuritaires, est parfois tenté de refouler les réfugiés dans leur pays dorigine. Dans cet esprit, les dégradations de lenvironnement à proximité des camps de réfugiés sont régulièrement avancées comme un motif dexaspération justifiant ces expulsions. La mesure précise des surfaces dégradées et la description des dynamiques qui conduisent à la destruction du couvert végétal deviennent alors des données essentielles de la négociation politique. Cest pourquoi, on le voit, la mise en uvre des techniques de cartographie et de télédétection contribue de façon décisive à une appréciation du problème des réfugiés à la fois dans sa globalité et dans sa singularité. Dans la mesure où la question des populations réfugiées sinscrit souvent dans la durée, ces différentes techniques feront à nen pas douter de plus en plus partie de la palette dactivités habituelles des organisations humanitaires. On ne peut que sen réjouir. Mais le domaine de la photographie numérique est en évolution très rapide, avec notamment lapparition à de faibles coûts de capteurs haute résolution pour la prise de vue (en 2000, capteur de résolution supérieure à 3.3 MegaPixels). Les principes énoncés plus haut restent valides, mais la caméra pourrait être avantageusement remplacée par un appareil de prise de vue de haute résolution permettant de saisir et de stocker en temps réel un grand nombre dimages numériques sous forme magnétique, à une cadence compatible avec les besoins de la prise de vue aérienne (environ une image par seconde). Cette technologie permettrait de rendre la prise de vue plus facile et daugmenter la résolution de façon importante tout en diminuant le nombre d'images à redresser et à mosaïquer. De ce fait, la mise en orbite du satellite Ikonos en lan 2000 (résolution 1 m) ne rend pas cette démarche définitivement obsolète. Dun côté, certaines questions peuvent requérir une définition du pixel encore plus élevée et, de lautre, lautonomie du procédé associée à des capteurs plus performants permet de penser que ce procédé restera utilisable dans tous les cas où la commande adressée aux fournisseurs dimages satellite ne pourra pas être livrée en temps et en heure, ou encore, lorsque la présence dun plafond nuageux (situation fréquente en zone équatoriale et tropicale) rend le satellite " aveugle " mais permet à lavion de voler (et de filmer) au dessous de celui-ci.
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